ADQUIERE "EL MITO DE LA TRANSICIÓN DEMOCRÁTICA"

martes, 5 de junio de 2012

«Le mythe de la transition démocratique a été démasqué» (Entrevista in extenso, Libération (Francia), 5 junio 2012)

INTERVIEW John Ackerman, docteur en sociologie politique, analyse les revendications des étudiants mexicains :

Par EMMANUELLE STEELS (à Mexico)

John Ackerman est docteur en sociologie politique, chercheur en droit à l’université nationale autonome de Mexico et analyste politique. Il explique les failles du système politique mexicain, à l’origine de la contestation étudiante.

Que vous inspire la révolte des jeunes en pleine campagne électorale pour la présidentielle ?

Il y a un grand mécontentement social chez les jeunes depuis quelque temps. L’explosion était inévitable. C’est positif, cela montre justement que la jeujesse est consciente qu’il n’y a pas de démocratie pleine dans notre pays, que ce n’est pas la population qui désigne le prochain président, mais des pouvoirs économiques et politiques. Il y a toujours eu des élections au Mexique, ce n’est pas nouveau. Mais la seule célébration des jours de scrutins n’implique pas qu’il y a une démocratie. Et je ne parle pas de démocratie avancée ou participative, mais de la base : la démocratie électorale, un système qui permettrait aux Mexicains de choisir librement et de manière informée leur prochain gouvernant.

Aujourd’hui, 73% des Mexicains ne sont pas satisfaits du fonctionnement de la démocratie, c’est le taux le plus élevé de toute l’Amérique latine. C’est la preuve d’une culture politique critique : la société mexicaine exige davantage, elle n’a pas confiance en ses autorités et elle n’accepte pas la simulation.
Les jeunes semblent surtout vouloir dénoncer la collusion entre les médias et le PRI (Parti révolutionnaire institutionnel)…

Les étudiants démasquent tout un système, notamment le mythe de la prétendue transition démocratique. Les jeunes sont les premières victimes de la crise économique et de la guerre contre les cartels de la drogue. Mais pour le moment, les étudiants ont l’intelligence stratégique de focaliser leurs revendications sur le processus électoral, sur la dénonciation de l’absence de démocratie réelle. Après les élections viendra le temps des autres revendications, mais maintenant, la lutte est plus élémentaire, plus urgente.

Que peut devenir cette révolte des jeunes ? Va-t-elle influencer le résultat de l’élection ?

L’année dernière, il y avait eu les premières étincelles de protestation citoyenne avec le mouvement des victimes de la violence, mené par le poète Javier Sicilia. Mais celui-ci s’est rapproché des autorités et il a perdu l’occasion d’articuler une mobilisation sociale plus large. Aujourd’hui, les jeunes, plus combatifs, plus autonomes, semblent mieux placés pour mener un vrai mouvement de contestation. Le risque est qu’ils tombent dans la tentation de chercher la reconnaissance des médias ou de la classe politique. Il y a une énorme pression pour tenter de les attirer dans les filets des partis ou de les disqualifier. Il est encore trop tôt pour savoir ce que va devenir ce mouvement, mais on constate déjà qu’il influence les élections. La protestation porte préjudice au candidat du PRI, Enrique Peña Nieto et favorise très clairement le candidat de gauche, Andrés Manuel López Obrador.

Comment expliquer un tel rejet du PRI de la part de jeunes, qui n’ont que brièvement connu les derniers gouvernements ?

Ne nous méprenons pas, le PRI gouverne encore le Mexique. La majorité des Etats sont aux mains de ce parti [20 Etats sur les 32 que compte le pays sont gouvernés par le PRI, ndlr]. Il domine les régions les plus corrompqes et les plus violentes du pays. Il y a encore dix Etats qui n’ont pas connu d’alternance, autrement dit ce sont des régions où le PRI gouverne depuis plus de quatre-vingts ans. Et il contrôle la majorité à la chambre des députés. Le PRI est bien vivant et il compte reconquérir la présidence. D’autre part, le soutien apporté par les télévisions à Enrique Peña Nieto est très grossier et les jeunes n’en sont pas dupes.